

Comment favoriser un recrutement inclusif ? Du 14 au 20 novembre 2022, c’est la Semaine Européenne de l’Emploi des Personnes Handicapées (SEEPH). Créée en 1997 par LADAPT, son objectif est de faire « se rencontrer entreprises, politiques, associations, société civile et bien entendu demandeurs d’emploi en situations de handicap ».
Pourquoi cette semaine a toujours son importance en 2022 ?
Parce qu’aujourd’hui encore, trouver un emploi reste 2 fois plus compliqué pour une personne en situation de handicap et le taux de chômage était 2 fois plus élevé en 2020 que pour le reste de la population.
Pourtant, les personnes en situation de handicap ne sont pas 2 fois moins compétentes mais les préjugés, eux, sont encore nombreux.
Un sondage IFOP réalisé en mars 2022 révèle d’ailleurs que 37% des personnes handicapées ont subi une discrimination au cours de leur recherche d’emploi (contre 16% pour l’ensemble de la population).
L’inclusion des personnes handicapées est donc un enjeu d’avenir. Il est temps pour les entreprises de repenser le modèle d’intégration du handicap, de réconcilier emploi et handicap et ça commence par le recrutement inclusif.
Comment mettre en place un recrutement inclusif en faveur du handicap ?
La réponse dans cet article.
Les bénéfices d’un recrutement inclusif
L’inclusion, c’est la capacité à créer un environnement de travail qui permet à tous de se sentir à sa place, sur un pied d’égalité. C’est différent de la diversité, qui concerne plutôt la représentation de tous les profils dans l’entreprise (âge, religion, culture, sexe, handicap visible ou invisible …).
Bien que de nombreuses mesures aient été prises ces dernières années pour accompagner les entreprises sur le sujet du recrutement inclusif des personnes en situation de handicap, la discrimination à l’embauche est toujours une réalité en France.
- Selon le Défenseur des Droits, en 2021 le handicap est, pour la 5e année consécutive, le premier motif de discrimination. 114 898 réclamations ont été déposées en 2021, soit 10% de plus qu’en 2020.
- Selon le Baromètre AGEFIPH-IFOP réalisé en décembre 2021, l’embauche des personnes en situation de handicap était encore considérée comme difficile pour 67% des recruteurs interrogés.
- Toujours selon la Baromètre AGEFIPH, 74% des employeurs déclarent que l’insertion des personnes handicapées est « une difficulté objective du fait de la nature du poste proposé » et 60% pensent que c’est « une charge supplémentaire dans l’organisation de l’entreprise ».
La question de recrutement inclusif des personnes handicapées reste donc essentielle et l’accompagnement des professionnels sur le sujet est un enjeu de société majeur.
Mais l’inclusion, c’est avant tout un levier de compétitivité pour l’entreprise. Oser mettre en place un recrutement inclusif présente de nombreux avantages :
- S’assurer d’attirer les meilleurs talents,
- Susciter l’engagement et la fidélité des salariés,
- Améliorer la marque employeur,
- Saisir l’opportunité de provoquer l’innovation.
Comment favoriser un recrutement inclusif ?
Rendre son recrutement inclusif nécessite de revoir, ou de porter une certaine attention, à son processus de recrutement.
Suivez nos 5 conseils pour vous assurer de rendre vos prochains recrutements plus inclusifs :
1 – Intégrer une vraie politique handicap dans la politique RSE de l’entreprise
Le handicap, ce n’est pas qu’une histoire de quota. Bien appréhender les enjeux du handicap, ça commence dès la définition de la politique RSE de l’entreprise.
Il est donc nécessaire de bien comprendre le handicap et les obligations qui l’entourent. Pour parer à toute éventualité (50% des salariés seront confrontés au handicap au cours de leur vie professionnelle, parfois à cause de leur métier), il est important de prévoir aussi un accompagnement à la RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) pour que les personnes concernées puissent se déclarer.
2 – Sensibiliser les équipes
Pour assurer la réussite d’un recrutement inclusif, il est essentiel d’impliquer l’ensemble des équipes, dirigeants comme salariés, dans le processus.
Les responsables RH et responsables de recrutement sont généralement sensibilisés à la question de manière systématique. Mais la formation des équipes, et notamment celle des managers qui devront intégrer la personne en situation de handicap, a tout autant d’importance pour s’assurer d’accueillir les personnes concernées de la meilleure façon.
Devenir une entreprise inclusive, ça s’apprend à tous les niveaux.
3 – Formuler une annonce inclusive
Le recrutement inclusif, ça commence dès la rédaction de l’offre.
S’il n’y a pas de mode d’emploi pour lutter contre la discrimination, le Code du Travail liste tout de même 25 critères discriminants punis par la loi, dont le handicap fait partie intégrante.
Dès l’annonce, assurez-vous de créer une offre d’emploi inclusive :
- Mettez en avant votre politique d’inclusion et de diversité,
- Précisez l’accessibilité des bureaux,
- Annoncez les contraintes liées au poste (déplacements, charges lourdes …),
- Diffusez en-dehors des job board habituels (ESAT ou cabinets spécialisés …).
4 – Participer à des actions pour faciliter le recrutement inclusif des personnes handicapées
Avoir l’intention de mettre en place un recrutement inclusif en faveur du handicap, c’est bien. Agir réellement dans cet objectif, c’est mieux.
LADAPT a mis en place plusieurs initiatives originales pour favoriser l’emploi des personnes handicapées. Entre autres :
Jobdating© : une série d’entretiens sur le même format que le « speed dating », qui permet de faire se rencontrer recruteurs et candidats en situation de handicap, afin que les premiers puissent dépasser leurs préjugés.
Handicafé© : des rencontres entre recruteurs et candidats en situation de handicap, dans un lieu convivial où l’on trouve 2 zones d’affichage : les offres d’emploi et les CV. Les participants se rencontrent lors d’une prise de contact de 10mn qui peut déboucher sur un entretien dans les locaux de l’entreprise et éventuellement sur un recrutement inclusif.
5 – Préparer l’entretien
S’assurer d’avoir un recrutement inclusif, c’est aussi éviter de poser des questions interdites sur le handicap, l’état de santé ou l’aptitude physique du candidat. Cela fait partie de l’ordre privé.
Les questions en entretien doivent s’intéresser aux compétences et il est conseillé d’aborder la question du handicap sous l’angle des besoins ou des aménagements éventuels.
Si le candidat aborde son handicap lors de l’entretien, concentrez-vous sur les difficultés rencontrées ou intéressez-vous à tout ce qui a été mis en place par la personne pour garder son autonomie. Vous découvrirez sûrement des ressources insoupçonnées, que vous ne rencontrerez peut-être pas chez tous les postulants.
L’avis de l’expert
Doxa Formation est allée à la rencontre de Thibaut de Martimprey, 34 ans, qui a rejoint le groupe Accenture il y a plus de 10 ans, pour recueillir ses avis sur le recrutement inclusif.
Dans la vie, Thibaut aime les voyages, rencontrer des gens et fumer des cigares. Il est accompagné par son chien guide depuis 6 ans en raison d’un handicap visuel.
Il témoigne de sa réalité professionnelle, de son recrutement et dévoile les secrets d’un management réussi dans une entreprise où l’inclusion et la diversité font partie intégrante du quotidien.
Quel est ton parcours professionnel ?
J’ai intégré la société de conseil Accenture il y a 10 ans après l’obtention d’un diplôme en école de commerce à Rouen. En une décennie, j’ai occupé différents postes dans l’entreprise : consultant en achats industriels, chargé des relations publiques, responsable de la création d’une communauté de freelances, responsable du contrôle de gestion des affaires commerciales …
Comment as tu vécu tes différentes phases de recrutement ?
Techniquement je n’ai été recruté qu’une fois, mais en réalité, à chaque changement de fonction ou de projet il a fallu de nouveau identifier des opportunités, se vendre et surtout rassurer par rapport au handicap : expliquer ce qu’on peut faire, ce qu’on peut faire avec une aide technique ou une organisation particulière et ce qu’on ne peut pas faire du tout.
J’aime faire preuve de pédagogie et je parle sans problème de mon handicap, que j’accepte bien puisque je l’ai depuis la naissance.
Aujourd’hui, quel type de management connais-tu dans ton entreprise et est-ce que le recrutement inclusif est pratiqué?
Ma manager est très à l’écoute. Elle me demande régulièrement si j’arrive à accéder à tel logiciel, si c’est faisable pour moi ou non. Par ailleurs, j’ai vraiment le sentiment qu’elle se comporte avec moi comme avec les autres salariés.
Ceci étant, comme j’ai changé plusieurs fois de service et que j’ai occupé des postes très différents, ma carrière n’a pas connu une évolution très verticale. Cela me convient car je m’épanouis dans ce que je fais et surtout, je trouve un équilibre entre mon job et mes multiples engagements personnels.
Quel est ton ressenti par rapport aux modes de management de ton entreprise envers les personnes en situation de handicap ?
Accenture est une entreprise très ouverte à la diversité en général et au handicap en particulier. La mission handicap existe depuis 10 ans et énormément d’actions de sensibilisation sont mises en place tout au long de l’année autour du handicap.
Selon toi, quelles sont les bonnes attitudes à avoir quand on manage une personne en situation de handicap ?
Il ne faut pas hésiter à poser des questions, à être à l’écoute et ne pas avoir peur d’aborder la question du handicap. Bien sûr, on ne parle pas du handicap sous l’angle médical mais plutôt sous l’aspect technique : qu’est-ce que la personne peut faire ou pas, quelles sont les tâches difficilement accessibles …
Que conseillerais-tu aux autres personnes en situation de handicap pour être dans une situation professionnelle de succès ?
Ne pas hésiter à parler de son handicap. Ceci étant, attention à ce que le handicap ne masque pas les compétences. Les entreprises recrutent d’abord une personne compétente, pas une personne handicapée.
Il faut aussi savoir rassurer son manager et ses collègues, être conscient de ses limites, savoir travailler en équipe, savoir créer des opportunités et ruer un peu dans les brancards quand il le faut !